On peut parfois ignorer la loi et s'en sortir

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Selon l'adage, "nul n'est censé ignorer la loi" et pourtant l'article 122-3 du code pénal prévoit bien une cause d'irresponsabilité pour "avoir cru pouvoir légitimement accomplir l'acte". Dans la pratique, la jurisprudence applique cet article lorsque l'accusé a pu être induit en erreur par l'administration ou une autorité.


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Et pour compléter, cet adage est une des rares présomptions irréfragables du droit français, ce qui signifie qu'on estime qu'elle est vraie même si on apporte la preuve qu'on ignorait effectivement que l'acte que l'on commettait était répréhensible :)

A savoir qu'en 2006 en france, il y avait plus de 10 500 lois et 120 000 décrets réglementaires en vigeur. Ces nombre augmentent chaque année d'environ 70 pour les lois et 1500 pour les décrets...

On parle en effet tout simplement « d’erreur de droit ». Lorsque l’erreur de droit est admise, elle ne constitue qu’une faute personnelle d’irresponsabilité pénale et ne fait donc pas disparaître l’infraction et le fait incriminé (un complice pour qui l'erreur de droit n'est pas retenue peut donc tout à fait être sanctionné).

Cette présomption de connaissance de la loi a toujours existé. Elle est d’autant plus vraie en droit pénal puisque cette branche du droit est soumise à un principe de légalité (il ne peut y avoir d’infraction ou de peine sans un texte qui les prévoit). Cette présomption est une fiction mais une fiction nécessaire, puisqu’elle permet d’éviter qu’une personne ayant violé la loi ne se retranche trop facilement derrière son ignorance pour réclamer son exonération. Cela peut poser un certain nombre de problèmes en termes de territorialité. En outre, à partir du moment où un individu pénètre sur le territoire, même sans maîtriser la langue, il est supposé connaître l’intégralité des normes juridiques. Ce principe traduit donc aussi une certaine volonté de souveraineté d’un État sur son territoire.

Cette erreur, pour être reconnue par le juge, doit présenter deux caractéristiques (selon la doctrine se basant sur la jurisprudence, aucun texte ne les prévoyant) :

1) Elle doit être insurmontable : l’erreur de droit n’est une cause de non-imputabilité que si l’agent n’a pas pu l’éviter, c’est-à-dire si elle est insurmontable ou "invincible" (par exemple lorsque le texte d’incrimination n’a pas été publié, ou comme indiqué dans l'anecdote lorsque l’agent a agi sur le fondement d’une information erronée de l’administration ou de l’autorité compétente ; dans ce deuxième cas, on parle d’erreur "invincible"). Pour avoir travaillé plusieurs fois en cabinet comptable, cela peut très bien arriver vis-à-vis de l'administration fiscale, qui suite à une question posée par un contribuable ou une entreprise, transmet une réponse "erronée" ! Le contribuable qui a appliqué une décision non-conforme à la loi ne sera donc potentiellement pas poursuivi (ou du moins il sera poursuivi mais ne sera pas considéré comme coupable à la suite du jugement !).

2) Elle doit être excusable : selon l’article 122-3, l’appréciation de l’erreur doit se faire in concreto (c’est-à-dire que le juge raisonne au cas par cas), l’erreur ne pouvant être retenue que si la personne qui s’en prévaut justifie avoir cru pouvoir légitimement accomplir l’acte. Cette erreur doit donc être considérée comme vraisemblable (ex : une chaîne de marché était poursuivie pour avoir procédé à une extension de ses surfaces de ventes sans autorisation : le groupe de sociétés avançait pour sa défense qu’il avait sollicité l’avis du ministère, lequel avait répondu qu’aucune permission administrative n’était nécessaire. La chambre criminelle repoussa ce moyen de défense au motif que, malgré l’avis donné par l'administration, ce groupe de sociétés représentait une telle puissance économique qu’il disposait, à l’évidence, de juristes qualifiés pour l’éclairer sur le choix de sa stratégie commerciale : l'erreur de droit n'était donc pas "vraisemblable" ou "excusable").

Pour illustrer tout cela, un petit exemple assez connu de jurisprudence concernant un divorce entre un homme et une femme prononcé par le Tribunal de Grande Instance. Le lendemain de la décision, le mari invita sa maîtresse au domicile conjugal, alors que la décision n’était pas définitive puisque toutes les voies de recours n’étaient pas épuisées. En effet, une des deux parties pouvaient encore faire appel, ce que fit l’épouse pour délit d’adultère. Le mari a de son côté invoqué l'erreur de droit (il n’était pas au courant qu’il n’était pas divorcé « officiellement », puisqu’une décision de la Cour d’appel pouvait très bien venir casser le jugement initial).

Un peu complexe tout ça, je le conçois ! Mais cela a au moins le mérite de montrer sur un cas à priori simple, que le droit n’est pas juste une succession de règles à connaître par cœur (c'est d'ailleurs impossible de tout connaitre, même pour un spécialiste !). C'est une discipline qui fait appel à la capacité de raisonner.


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Et pour compléter, cet adage est une des rares présomptions irréfragables du droit français, ce qui signifie qu'on estime qu'elle est vraie même si on apporte la preuve qu'on ignorait effectivement que l'acte que l'on commettait était répréhensible :)

A savoir qu'en 2006 en france, il y avait plus de 10 500 lois et 120 000 décrets réglementaires en vigeur. Ces nombre augmentent chaque année d'environ 70 pour les lois et 1500 pour les décrets...

Il est impossible de connaitre toutes les lois. On peut donc ignorer certaines lois d’autant plus les députés en votent quotidiennement.

a écrit : A savoir qu'en 2006 en france, il y avait plus de 10 500 lois et 120 000 décrets réglementaires en vigeur. Ces nombre augmentent chaque année d'environ 70 pour les lois et 1500 pour les décrets... Au début du quinquennat de Hollande il y avait deux sénateurs chargés de faire le tri dans toutes ces lois et décrets pour repérer celles qui n'ont plus lieu d'être, se contredisent, etc. Je sais pas ou ça en est aujourd'hui j'en ai jamais rentendu parler, mais c'était une bonne initiative qu'il faudrait refaire.

D'ailleurs ca s'applique directement en droit fiscal :
On peut poser n'importe quelle question a l'administration fiscale et ce qu'elle nous répond fait force de loi, sous réserve d'avoir une preuve écrite.
En gros si un mec de l'administration me dit que je peux ne pas payer d'ISS pendant 10 ans (alors que c'est faux) et que j'ai un contrôle, ils ne peuvent pas réclamer l'argent. Par contre à l'avenir ça marche plus.

a écrit : A savoir qu'en 2006 en france, il y avait plus de 10 500 lois et 120 000 décrets réglementaires en vigeur. Ces nombre augmentent chaque année d'environ 70 pour les lois et 1500 pour les décrets... et moi qui veut faire du droit

On parle en effet tout simplement « d’erreur de droit ». Lorsque l’erreur de droit est admise, elle ne constitue qu’une faute personnelle d’irresponsabilité pénale et ne fait donc pas disparaître l’infraction et le fait incriminé (un complice pour qui l'erreur de droit n'est pas retenue peut donc tout à fait être sanctionné).

Cette présomption de connaissance de la loi a toujours existé. Elle est d’autant plus vraie en droit pénal puisque cette branche du droit est soumise à un principe de légalité (il ne peut y avoir d’infraction ou de peine sans un texte qui les prévoit). Cette présomption est une fiction mais une fiction nécessaire, puisqu’elle permet d’éviter qu’une personne ayant violé la loi ne se retranche trop facilement derrière son ignorance pour réclamer son exonération. Cela peut poser un certain nombre de problèmes en termes de territorialité. En outre, à partir du moment où un individu pénètre sur le territoire, même sans maîtriser la langue, il est supposé connaître l’intégralité des normes juridiques. Ce principe traduit donc aussi une certaine volonté de souveraineté d’un État sur son territoire.

Cette erreur, pour être reconnue par le juge, doit présenter deux caractéristiques (selon la doctrine se basant sur la jurisprudence, aucun texte ne les prévoyant) :

1) Elle doit être insurmontable : l’erreur de droit n’est une cause de non-imputabilité que si l’agent n’a pas pu l’éviter, c’est-à-dire si elle est insurmontable ou "invincible" (par exemple lorsque le texte d’incrimination n’a pas été publié, ou comme indiqué dans l'anecdote lorsque l’agent a agi sur le fondement d’une information erronée de l’administration ou de l’autorité compétente ; dans ce deuxième cas, on parle d’erreur "invincible"). Pour avoir travaillé plusieurs fois en cabinet comptable, cela peut très bien arriver vis-à-vis de l'administration fiscale, qui suite à une question posée par un contribuable ou une entreprise, transmet une réponse "erronée" ! Le contribuable qui a appliqué une décision non-conforme à la loi ne sera donc potentiellement pas poursuivi (ou du moins il sera poursuivi mais ne sera pas considéré comme coupable à la suite du jugement !).

2) Elle doit être excusable : selon l’article 122-3, l’appréciation de l’erreur doit se faire in concreto (c’est-à-dire que le juge raisonne au cas par cas), l’erreur ne pouvant être retenue que si la personne qui s’en prévaut justifie avoir cru pouvoir légitimement accomplir l’acte. Cette erreur doit donc être considérée comme vraisemblable (ex : une chaîne de marché était poursuivie pour avoir procédé à une extension de ses surfaces de ventes sans autorisation : le groupe de sociétés avançait pour sa défense qu’il avait sollicité l’avis du ministère, lequel avait répondu qu’aucune permission administrative n’était nécessaire. La chambre criminelle repoussa ce moyen de défense au motif que, malgré l’avis donné par l'administration, ce groupe de sociétés représentait une telle puissance économique qu’il disposait, à l’évidence, de juristes qualifiés pour l’éclairer sur le choix de sa stratégie commerciale : l'erreur de droit n'était donc pas "vraisemblable" ou "excusable").

Pour illustrer tout cela, un petit exemple assez connu de jurisprudence concernant un divorce entre un homme et une femme prononcé par le Tribunal de Grande Instance. Le lendemain de la décision, le mari invita sa maîtresse au domicile conjugal, alors que la décision n’était pas définitive puisque toutes les voies de recours n’étaient pas épuisées. En effet, une des deux parties pouvaient encore faire appel, ce que fit l’épouse pour délit d’adultère. Le mari a de son côté invoqué l'erreur de droit (il n’était pas au courant qu’il n’était pas divorcé « officiellement », puisqu’une décision de la Cour d’appel pouvait très bien venir casser le jugement initial).

Un peu complexe tout ça, je le conçois ! Mais cela a au moins le mérite de montrer sur un cas à priori simple, que le droit n’est pas juste une succession de règles à connaître par cœur (c'est d'ailleurs impossible de tout connaitre, même pour un spécialiste !). C'est une discipline qui fait appel à la capacité de raisonner.

a écrit : D'ailleurs ca s'applique directement en droit fiscal :
On peut poser n'importe quelle question a l'administration fiscale et ce qu'elle nous répond fait force de loi, sous réserve d'avoir une preuve écrite.
En gros si un mec de l'administration me dit que je peux ne pas
payer d'ISS pendant 10 ans (alors que c'est faux) et que j'ai un contrôle, ils ne peuvent pas réclamer l'argent. Par contre à l'avenir ça marche plus. Afficher tout
Je peux parler d'expérience : tu devras quand même payer tes impôts (4 ans en arrière), mais on ne te réclamera ni amende, ni pénalité, "juste" l’intérêt légal - actuellement 4.35% par an, enfin, tu ne figureras pas dans le fichier des mauvais contribuables... mais tu as intérêt à avoir un document écrit, une réponse orale n'engage que celui qui y croit

a écrit : On parle en effet tout simplement « d’erreur de droit ». Lorsque l’erreur de droit est admise, elle ne constitue qu’une faute personnelle d’irresponsabilité pénale et ne fait donc pas disparaître l’infraction et le fait incriminé (un complice pour qui l'erreur de droit n'est pas retenue peut donc tout à fait être sanctionné).

Cette présomption de connaissance de la loi a toujours existé. Elle est d’autant plus vraie en droit pénal puisque cette branche du droit est soumise à un principe de légalité (il ne peut y avoir d’infraction ou de peine sans un texte qui les prévoit). Cette présomption est une fiction mais une fiction nécessaire, puisqu’elle permet d’éviter qu’une personne ayant violé la loi ne se retranche trop facilement derrière son ignorance pour réclamer son exonération. Cela peut poser un certain nombre de problèmes en termes de territorialité. En outre, à partir du moment où un individu pénètre sur le territoire, même sans maîtriser la langue, il est supposé connaître l’intégralité des normes juridiques. Ce principe traduit donc aussi une certaine volonté de souveraineté d’un État sur son territoire.

Cette erreur, pour être reconnue par le juge, doit présenter deux caractéristiques (selon la doctrine se basant sur la jurisprudence, aucun texte ne les prévoyant) :

1) Elle doit être insurmontable : l’erreur de droit n’est une cause de non-imputabilité que si l’agent n’a pas pu l’éviter, c’est-à-dire si elle est insurmontable ou "invincible" (par exemple lorsque le texte d’incrimination n’a pas été publié, ou comme indiqué dans l'anecdote lorsque l’agent a agi sur le fondement d’une information erronée de l’administration ou de l’autorité compétente ; dans ce deuxième cas, on parle d’erreur "invincible"). Pour avoir travaillé plusieurs fois en cabinet comptable, cela peut très bien arriver vis-à-vis de l'administration fiscale, qui suite à une question posée par un contribuable ou une entreprise, transmet une réponse "erronée" ! Le contribuable qui a appliqué une décision non-conforme à la loi ne sera donc potentiellement pas poursuivi (ou du moins il sera poursuivi mais ne sera pas considéré comme coupable à la suite du jugement !).

2) Elle doit être excusable : selon l’article 122-3, l’appréciation de l’erreur doit se faire in concreto (c’est-à-dire que le juge raisonne au cas par cas), l’erreur ne pouvant être retenue que si la personne qui s’en prévaut justifie avoir cru pouvoir légitimement accomplir l’acte. Cette erreur doit donc être considérée comme vraisemblable (ex : une chaîne de marché était poursuivie pour avoir procédé à une extension de ses surfaces de ventes sans autorisation : le groupe de sociétés avançait pour sa défense qu’il avait sollicité l’avis du ministère, lequel avait répondu qu’aucune permission administrative n’était nécessaire. La chambre criminelle repoussa ce moyen de défense au motif que, malgré l’avis donné par l'administration, ce groupe de sociétés représentait une telle puissance économique qu’il disposait, à l’évidence, de juristes qualifiés pour l’éclairer sur le choix de sa stratégie commerciale : l'erreur de droit n'était donc pas "vraisemblable" ou "excusable").

Pour illustrer tout cela, un petit exemple assez connu de jurisprudence concernant un divorce entre un homme et une femme prononcé par le Tribunal de Grande Instance. Le lendemain de la décision, le mari invita sa maîtresse au domicile conjugal, alors que la décision n’était pas définitive puisque toutes les voies de recours n’étaient pas épuisées. En effet, une des deux parties pouvaient encore faire appel, ce que fit l’épouse pour délit d’adultère. Le mari a de son côté invoqué l'erreur de droit (il n’était pas au courant qu’il n’était pas divorcé « officiellement », puisqu’une décision de la Cour d’appel pouvait très bien venir casser le jugement initial).

Un peu complexe tout ça, je le conçois ! Mais cela a au moins le mérite de montrer sur un cas à priori simple, que le droit n’est pas juste une succession de règles à connaître par cœur (c'est d'ailleurs impossible de tout connaitre, même pour un spécialiste !). C'est une discipline qui fait appel à la capacité de raisonner.
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Merci pour cette explication détaillée !
J'entre en M1 de droit à la rentrée, et voilà des informations que je ne connaissais pas. Ce qui montre par ailleurs que je n'ai pas suffisamment écouté mes cours de procédure pénale...

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a écrit : Je peux parler d'expérience : tu devras quand même payer tes impôts (4 ans en arrière), mais on ne te réclamera ni amende, ni pénalité, "juste" l’intérêt légal - actuellement 4.35% par an, enfin, tu ne figureras pas dans le fichier des mauvais contribuables... mais tu as intérêt à avoir un document écrit, une réponse orale n'engage que celui qui y croit Afficher tout C'est 3 ans en arrière il me semble. Selon le principe général, le fisc ne peut réclamer les impayés d'impôts que sur les 3 dernières années, pour peu qu'il n'ait pas déjà mis en demeure le débiteur de payer.

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a écrit : On parle en effet tout simplement « d’erreur de droit ». Lorsque l’erreur de droit est admise, elle ne constitue qu’une faute personnelle d’irresponsabilité pénale et ne fait donc pas disparaître l’infraction et le fait incriminé (un complice pour qui l'erreur de droit n'est pas retenue peut donc tout à fait être sanctionné).

Cette présomption de connaissance de la loi a toujours existé. Elle est d’autant plus vraie en droit pénal puisque cette branche du droit est soumise à un principe de légalité (il ne peut y avoir d’infraction ou de peine sans un texte qui les prévoit). Cette présomption est une fiction mais une fiction nécessaire, puisqu’elle permet d’éviter qu’une personne ayant violé la loi ne se retranche trop facilement derrière son ignorance pour réclamer son exonération. Cela peut poser un certain nombre de problèmes en termes de territorialité. En outre, à partir du moment où un individu pénètre sur le territoire, même sans maîtriser la langue, il est supposé connaître l’intégralité des normes juridiques. Ce principe traduit donc aussi une certaine volonté de souveraineté d’un État sur son territoire.

Cette erreur, pour être reconnue par le juge, doit présenter deux caractéristiques (selon la doctrine se basant sur la jurisprudence, aucun texte ne les prévoyant) :

1) Elle doit être insurmontable : l’erreur de droit n’est une cause de non-imputabilité que si l’agent n’a pas pu l’éviter, c’est-à-dire si elle est insurmontable ou "invincible" (par exemple lorsque le texte d’incrimination n’a pas été publié, ou comme indiqué dans l'anecdote lorsque l’agent a agi sur le fondement d’une information erronée de l’administration ou de l’autorité compétente ; dans ce deuxième cas, on parle d’erreur "invincible"). Pour avoir travaillé plusieurs fois en cabinet comptable, cela peut très bien arriver vis-à-vis de l'administration fiscale, qui suite à une question posée par un contribuable ou une entreprise, transmet une réponse "erronée" ! Le contribuable qui a appliqué une décision non-conforme à la loi ne sera donc potentiellement pas poursuivi (ou du moins il sera poursuivi mais ne sera pas considéré comme coupable à la suite du jugement !).

2) Elle doit être excusable : selon l’article 122-3, l’appréciation de l’erreur doit se faire in concreto (c’est-à-dire que le juge raisonne au cas par cas), l’erreur ne pouvant être retenue que si la personne qui s’en prévaut justifie avoir cru pouvoir légitimement accomplir l’acte. Cette erreur doit donc être considérée comme vraisemblable (ex : une chaîne de marché était poursuivie pour avoir procédé à une extension de ses surfaces de ventes sans autorisation : le groupe de sociétés avançait pour sa défense qu’il avait sollicité l’avis du ministère, lequel avait répondu qu’aucune permission administrative n’était nécessaire. La chambre criminelle repoussa ce moyen de défense au motif que, malgré l’avis donné par l'administration, ce groupe de sociétés représentait une telle puissance économique qu’il disposait, à l’évidence, de juristes qualifiés pour l’éclairer sur le choix de sa stratégie commerciale : l'erreur de droit n'était donc pas "vraisemblable" ou "excusable").

Pour illustrer tout cela, un petit exemple assez connu de jurisprudence concernant un divorce entre un homme et une femme prononcé par le Tribunal de Grande Instance. Le lendemain de la décision, le mari invita sa maîtresse au domicile conjugal, alors que la décision n’était pas définitive puisque toutes les voies de recours n’étaient pas épuisées. En effet, une des deux parties pouvaient encore faire appel, ce que fit l’épouse pour délit d’adultère. Le mari a de son côté invoqué l'erreur de droit (il n’était pas au courant qu’il n’était pas divorcé « officiellement », puisqu’une décision de la Cour d’appel pouvait très bien venir casser le jugement initial).

Un peu complexe tout ça, je le conçois ! Mais cela a au moins le mérite de montrer sur un cas à priori simple, que le droit n’est pas juste une succession de règles à connaître par cœur (c'est d'ailleurs impossible de tout connaitre, même pour un spécialiste !). C'est une discipline qui fait appel à la capacité de raisonner.
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Commentaire très complet, qui vient d'ailleurs me rappeler pourquoi j'ai arrêté le droit, même si d'un côté je trouve ça à la fois passionnant mais redondant.

Comme pour les immigrés vietnamiens qui bossent dans des immenses fermes de marijuana et à qui on fait croire que c'est un travail parfaitement légal

Le texte de loi est un peu "tordu"... L'adage "nul n'est sensé ignoré la loi" reste quand même une réalité juridique. Pour y échapper, il te faudra démontrer un vice de forme, un "flou"juridique, une jurisprudence, des textes qui se contredisent un peu, bref des éléments qui peuvent mettre en évidence ta bonne foi...
Cependant, c'est bien que cela existe : ça donne un côté "humain" à la justice, car c'est finalement le Juge qui décidera ou pas de compter avec cette bonne foi.

Comment un système se basant sur un postulat faux ("Tous le monde est censé connaître la loi"), peut être juste ? C'est comme dire qu'enfermer quelqu'un est bénéfique à la société (ou au condamné)... C'est absurde mais tellement pratique pour éviter de changer des petites habitudes qui arrange toujours les même.

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a écrit : C'est 3 ans en arrière il me semble. Selon le principe général, le fisc ne peut réclamer les impayés d'impôts que sur les 3 dernières années, pour peu qu'il n'ait pas déjà mis en demeure le débiteur de payer. Pas tout a fait, c'est 3 ans s'ils ne détectent aucune infraction sur ces 3 années
S'ils détectent une infraction, il peuvent revenir plus loin.

Et nul n'est insensé qui ignore la loi !

a écrit : Comment un système se basant sur un postulat faux ("Tous le monde est censé connaître la loi"), peut être juste ? C'est comme dire qu'enfermer quelqu'un est bénéfique à la société (ou au condamné)... C'est absurde mais tellement pratique pour éviter de changer des petites habitudes qui arrange toujours les même. Ce n'est pas que le postulat est faux, c'est qu'il connait une exception, ce n'est pas la même chose !

En l'occurrence une exception qui ne concerne que la responsabilité pénale et dans des cas très précis (sachant que dans les faits, l'erreur de droit est rarement retenue).

Le principe est indispensable, et l'exception aussi !

J’ajouterais que le « nul n’est censé ignorer la loi » ne signifie pas que tout le monde doit la connaître.
Ça signifie seulement que personne ne peut faire comme s’il ne la connaissait pas.

Dit autrement, c’est juste que l’excuse du « désolé, je ne savais pas » n’est pas recevable.

(à quelques exceptions près, dont celle dont parle l’anecdote)

a écrit : Et pour compléter, cet adage est une des rares présomptions irréfragables du droit français, ce qui signifie qu'on estime qu'elle est vraie même si on apporte la preuve qu'on ignorait effectivement que l'acte que l'on commettait était répréhensible :) Ah bon.

a écrit : Pas tout a fait, c'est 3 ans s'ils ne détectent aucune infraction sur ces 3 années
S'ils détectent une infraction, il peuvent revenir plus loin.
pas tout à fait (à mon tour :-))
Ils ne peuvent revenir que 3 ans en arrière (+ l'année en cours) sauf en cas de non déclaration. Même s'ils détectent une infraction ils ne peuvent revenir que sur 3 ans. Mais si par exemple tu oublies de faire ta déclaration d'impôt, ils peuvent revenir sur 6 ans.